La semaine dernière, la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) a fêté ses 5 années d’existence. Les chiffres sont tombés : en 60 mois, il y a eu plus 5 400 000 mails d’avertissement envoyés, 505 000 d’entre eux ont reçu un deuxième avertissement par lettre en plus du mail et 2 900 sont allés jusqu’au dernier échelon qui, normalement, amène à une action en justice. Pourtant de nombreux internautes savent comment contourner HADOPI. Comment pouvons-nous analyser ces chiffres ?
HADOPI : Quelques rappels
Cet organisme découle de l’adoption de la loi « Création et Internet » du 3 avril 2009 (votée avec seulement 16 députés dans l’hémicycle), sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Cette loi avait pour objectif de lutter contre le téléchargement illégal sur le Web grâce à une « riposte graduée » : l’action est préventive dans un premier temps puis elle devient punitive s’il y a refus d’obtempérer (voir le schéma).
Seulement, ce système a été grandement critiqué et controversé dès son commencement, et à juste titre, puisqu’ il pose de nombreux problèmes pour les ayants droit et pour les utilisateurs d’Internet (pour plus de détails, voir l’article de Cbx en 2007).
Les principales critiques sont :
- les trackers relâchent régulièrement des adresses IP aléatoires qui brouillent les pistes, rendant certaines plaintes des ayants droit totalement grotesques (des imprimantes d’une faculté ont été accusées de piraterie).
- on peut être accusé sans y être pour rien (wi-fi piraté, virus qui contrôlerait votre ordinateur) alors qu’il est relativement difficile de prouver son innocence, qui plus est, à ses frais.
- l’utilisation du logiciel Hadopi qui aurait dû montrer la bonne foi de l’utilisateur, mais ce logiciel s’avère payant, contournable et inefficace
- des problèmes de gestion ou de communication peuvent être pénalisants : oublis des F.A.I. de changer les adresse lors des déménagements, pénalisant alors le nouvel habitant du logement, qui lui télécharge illégalement, oubli de regarder les boîtes mails des F.A.I., aucun détail sur les fichiers téléchargés dans les mails d’Hadopi donc impossible de savoir à qui c’est nommément adressé et donc de préparer une défense etc.
De plus, en 2013, après avoir déconnecté le « premier pirate » de son accès internet depuis le lancement d’Hadopi, le gouvernement a préféré abandonner cette mesure afin de mettre en place une sanction financière.
Que pouvons-nous tirer des chiffres ?
Depuis 2010, il y a eu environ 5 400 000 mails adressés aux foyers soupçonnés d’avoir téléchargé illégalement. En ce qui concerne la deuxième étape, 505 000 mails et courriers ont été envoyés, soit 9,35 % du total de ces « délinquants ». La dernière étape, risque de comparution devant les tribunaux, s’est chiffrée à plus de 2 900 cas. Cela représente 0,05 % des personnes de la première sommation et 0,57 % des personnes de la deuxième sommation. Sur ces 2 900 cas, 2 336 ont conduit à l’ouverture d’une enquête et seulement 400 dossiers, les plus graves, ont été transmis à la justice. Hadopi a eu la connaissance de 56 jugements : 5 ont été classés sans suite, il y a eu 18 rappels à la loi et 32 procès (dont une relaxe) ont conduit à une condamnation allant de 50 à 1 000 euros de dommages et intérêts, dont certains avec des peines de sursis. Ces chiffres sont-ils bons, mauvais ?
Cela s’avère plus complexe, car tout va dépendre d’une seule chose : le rapport entre les plaintes traitées et les plaintes reçues. En effet, à l’heure actuelle, Hadopi reçoit aux alentours de 100 000 réclamations par jour, mais les conditions actuelles ne permettent que de traiter la moitié de ces réclamations. Cela signifie que 50 % des pirates « passent au travers du filet » puisque ces derniers sont « enregistrés », mais épargnés de la réponse graduée. La deuxième étape est enclenchée uniquement en cas de récidive dans les 6 mois suivant la première sommation et la troisième n’est activée qu’après une récidive dans les 12 mois qui suivent le deuxième avertissement. Cela signifie que 99 % des pirates, issus des plaintes traitées par Hadopi, n’ont pas réitéré leurs téléchargements illégaux dans les 6 mois qui ont suivi le premier avertissement, et ont trouvé le moyen de se protéger d’Hadopi ou sont tout simplement passés à travers le système. Les 400 cas pour lesquels il y a eu condamnation peuvent se résumer à « la faute à pas de chance » ou à de très gros downloaders ou uploadeurs qui, par leur activité illicite, augmentent leur risque de se faire signaler par les ayants droit. Donc ces chiffres ne sont pas du tout représentatifs de la soi-disant efficacité d’Hadopi.
Une nouvelle méthode machiavélique
Hadopi n’hésite plus à annoncer que certaines personnes ont écopé des peines de 300 et 500 euros de dommages et intérêts, et ce, à l’occasion de la conférence de presse dédiée aux chiffres de l’organisme. En effet, 2 personnes ont eu 300 euros d’amende (un uploader de film et un utilisateur de uTorrent). La troisième personne, absente lors de son audience, sera contrainte de payer 500 euros d’amende pour avoir mis et partagé sur internet des musiques de Rihanna et le film « Moi, moche et méchant 2 ». Cette annonce sert d’exemple et de menace pour tous ceux qui téléchargent ou partagent des fichiers illégalement. On expose ainsi le lynchage de quelques personnes aux yeux du monde afin d’effrayer les autres (très forte analogie avec le livre « Le Prince », écrit par Nicolas Machiavel en 1532).
Quoi qu’il en soit, nous pouvons conclure qu’Hadopi reste encore aujourd’hui très critiqué et très controversé sur son efficacité. Cet organisme gouvernemental, dont le budget était de 44 millions d’euros entre 2010 et 2014, a encore besoin de faire ses preuves en terme d’efficacité contre le téléchargement illégal en France. Malgré des chiffres très discutables, Hadopi a pour objectif de réussir à traiter toutes les plaintes qu’elle reçoit d’ici l’année prochaine. Et vous, que pensez-vous d’Hadopi et pensez-vous que cet organisme réussira à atteindre cet objectif ?
Des chiffres qui rassurent tout le monde, haha ! Donc si je résume :
50% de chance de -ne pas- recevoir de courrier lorsqu’on s’est fait repéré.
6 mois de sursis avant d’être blanchi (une petite pénitence pour qui se satisfait du DDL).
Et pour finir, si on en est à la 3ème récidive détectée par la HADOPI, on a moins de 2% de malchance que ça aboutisse à un jugement (jugement avec un taux de condamnation de 57%).
Bon bah…
Avec un filtre comme PeerBlock, on a aucune chance de se faire ruiner par la HADOPI (mis à part via nos impôts, évidemment lol!).
A qui ca profite : à une boite qui a quasiment l’exclusivité des traitements associés, possédée par Thierry Lhermite … pote à sarko donc. donc ca doit profiter à sarko et toute la clique
Désolé pour les fautes, je suis fatigué 😉
Très intéressant. Sur l’efficacité, on peut penser que ceux qui ont eu un rappel à l’ordre ont prioritairement regarder comment contourner plutôt que d’arrêter leur activité. Genre, on reçoit un courrier et on imagine bien le fonctionnaire à l’autre bout : « Ah ! ah ! j’ai envoyé un mail incendiaire, il n’a qu’à bien se tenir ce voyou ! il va voir ce qu’il va voir ! » (il va voir sur Internet pour trouver un VPN pas trop cher…).
Quant à la rentabilité…les chiffres ne sont pas discutables, Plus de 200 millions dépenser pour 32 vrai rappels à l’ordre et moins de 20.000 euros d’amende récolté. Aucun impact avérer pour les ayants droits et aucun impact avérer sur les habitudes de téléchargement.
Je suis sûr qu’en faisant le tour de mon entreprise j’arrive au même résultat en 1 semaine. C’est pitoyable et scandaleux. Comme beaucoup de « haute » autorité, ça ne sert qu’à justifier l’existence de la-dite HA et à faire vivre quelques copains.
Bref, encore de l’argent jeté par les fenêtres.
Le terme « discutable » faisait référence aux différents chiffres de la « réponse graduée » mais je suis absolument d’accord avec vous Alakhnor. La question que nous pouvons nous poser est « à qui profite réellement ce système? ». Une chose est sûre, pas aux ayants droit.
Merci pour ce commentaire.