Récemment une étude a fait grand bruit dans le monde de l’édition numérique, un ebook sur deux serait piraté ! Ce chiffre effarant et simple à utiliser dans les médias ressemble plus à une mascarade, l’occasion de faire le point sur la vraie situation du téléchargement illégal de livre numérique puis un point sur l’offre légale (ses défauts et ses qualités).
Une étude très contestable
Lors d’une étude il faut toujours garder à l’idée que les chiffres sont facilement manipulables, la première chose à faire est donc de se demander qui fait l’étude et pour qui, afin de juger au mieux de l’impartialité de l’étude. Dans notre cas l’étude émane de Youboox qui est l’équivalent de Deezer version ebook (nous reviendrons dessus plus tard), qui rencontre surement (en vue de son maigre catalogue) des difficultés à imposer son modèle auprès des maisons d’édition. Favoriser la peur auprès de ces maisons d’édition en s’édifiant comme seul rempart au téléchargement illégal avec une alternative pouvant séduire les pirates (comme l’ont fait spotify et deezer) peut être l’objectif implicite de l’étude. Cela ne reste qu’une supposition, nous ne voulons pas rentrer dans la diffamation juste prévenir nos lecteurs (travail critique qui n’a pas était fait par les autres médias ayant relayé l’information).
Concernant les chiffres et la méthode de l’étude, l’étude a sélectionné 100 œuvres pour ensuite vérifier parmi ces œuvres combien étaient disponibles en téléchargement. Sur ces 100 œuvres, la moitié l’était, parmi elles les BD se taillent la part du lion (60%) et les romans composent une part très marginale (15%). Cette répartition n’a pas été assez mise en avant, mais au-delà du manque d’information de cette répartition on peut critiquer le fait que sur les 100.000 œuvres que représente l’offre légale en France on considère un échantillon de 0,1% comme étant représentatif. Pour ces raisons nous considérons l’étude comme peu pertinente.
Pour nous l’étude met en exergue que les BD sont beaucoup plus piratés que les ebooks, or l’offre légale de la BD est beaucoup moins développée, donc on peut émettre l’hypothèse que le piratage des BD découle de la faiblesse de l’offre légale (comme se fut le cas avec ebooks dont le travail des maisons d’édition était bien inférieur à celui des teams pirates il y’a 5 ans).
La vraie situation du téléchargement d’ebooks
Le téléchargement d’ebook est largement surestimé, le nombre de téléchargements reste faible, la demande est présente, mais est très loin d’être comparable avec les films ou les musiques. Cela s’explique simplement par le fait que l’ebook est loin de faire l’unanimité, beaucoup de lecteurs se refusent de passer au numérique. Une part seulement de ces lecteurs vont eux passer au téléchargement illégal.
Au-delà du nombre de téléchargements, le catalogue de l’offre pirate est très faible, prenons l’exemple de Bookys, qui est LE tracker spécialisé ebook francophone. Il ne compte à son jour même pas 5000 ouvrages, ce qui est très faible comparé à l’offre légale qui est déjà faible par rapport à l’offre papier. Pour le moment il est dur de trouver des ebooks, y compris des nouveautés.
Le téléchargement d’ebook et le manque à gagner qu’il représente pour les maisons d’édition sont largement surestimés. Il faudrait développer avant tout l’offre légale.
L’offre légale d’ebook est-elle à la hauteur ?
L’offre légale d’ebook augmente de jour en jour, mais elle garde quelques défauts : le nombre d’ouvrages pas assez nombreux, le prix trop élevé et les problèmes de format.
Lorsque vous cherchez à acheter un ebook notamment d’essais ou d’ouvrages scientifiques il est rare de le trouver au format numérique, pourtant ces ouvrages souvent utiliser dans un cadre plus professionnel qu’on est obligé d’emporter avec soit est plus approprié que le format papier encombrant. En se concentrant sur les best-sellers ou les ouvrages récents, l’offre légale comporte des lacunes.Par exemple dans les 5 ouvrages les plus vendus actuellement par la Fnac, seulement un est disponible en version digitale (le 5e étrangement.). Autre problème le format, beaucoup de vendeurs d’ebooks aimeraient imposer sa solution propriétaire, avec son format, ses DRM et ses applications, déroutant l’acheteur. Le prix quant à lui, est rarement inférieur à 70% de la version papier (alors que ça ne demande pas de prix d’impression, de stockage, de mise en rayon, de livraison..).
L’offre légale d’ebook est actuellement chère, incomplète et complexe, il existe des pistes pour l’améliorer.
Il faut déjà commencer par augmenter l’offre même si c’est en bonne voix, il faut par contre diminuer dès maintenant le prix des ebooks, les vendeurs de livres numériques se sont calqués sur la marge d’Apple et ses 30%. Cette marge gargantuesque n’est pas appliquée dans les versions papier, mais les éditeurs on comprit très tôt la possibilité d’augmenter leur marge sur les prix du livre numérique. Je vous invite à lire l’article de Slate à ce sujet. On peut donc espérer une baisse du prix du livre pour prendre de court le piratage, dont les lecteurs sont souvent assez proches des auteurs, plus que dans le cinéma dont les pirates n’ont pas l’impression de priver de revenus leurs auteurs. Il est indispensable de faciliter l’offre d’ebook en tirant enfin un trait sur les DRM (quitte à laisser juste un système de DRM nominatif, en liant l’acheteur au fichier pour le poursuivre en cas de mise en ligne) qui freine les utilisateurs novices.
Pour améliorer l’offre légale, on peut aussi penser à développer d’autres systèmes de consommation du livre, telle que la location à un prix plus inférieur (puisque un des soucis de l’offre numérique c’est de payer pour un ouvrage qu’on ne lira surement qu’une fois, et on ne peut pas le contrebalancer par le plaisir de le ranger dans sa bibliothèque). Google et Amazon se sont lancé sur le créneau, ils vont surement se heurter sur aux lobbys français qui au lieu de chercher à développer cette alternative vont tenter vainement de l’enrayer. D’autres modes de consommation comme le streaming d’ebook peuvent rencontrer le succès, comme le propose déjà une certaine start-up nommée Youboox … (la boucle est bouclée).
Commentaires